« Eau et Énergie : de nouveaux défis à relever ! »

Interview de Pascal Misselyn, coordinateur de BRUGEL.


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Quels ont été les faits les plus marquants de l’année 2018 ?

En 2018, BRUGEL s’est vue confier officiellement une nouvelle mission : le contrôle du prix de l‘eau. Nos services ont ainsi pu s’investir pleinement dans ces dossiers en rencontrant de manière officielle les acteurs de l’eau que sont VIVAQUA et la SBGE.

L’année 2018 a également été marquée par la cessation d’activité du fournisseur Belpower au mois de juin. Comme cette situation était attendue par tous les régulateurs, elle est restée sous contrôle. En revanche, le secteur a été surpris par la faillite dans la foulée d'Anode, un responsable d’équilibre. Cet opérateur avait la particularité d’être le responsable d’équilibre d’une dizaine de petits fournisseurs, dont quatre ou cinq actifs sur le marché bruxellois. Tous les régulateurs régionaux ont été très sensibilisés par cette faillite qui aurait pu avoir un effet domino. Suite à ces deux évènements, l’ensemble des acteurs du secteur ont fait front commun pour qu’aucun client résidentiel et professionnel ne soit coupé.

Durant cette année, nos services ont également constaté une diminution significative du nombre d’offres de la part d’un acteur important sur le marché bruxellois de l’énergie. Ce fournisseur s’est progressivement désinvesti du marché résidentiel en ne proposant plus qu’une seule offre moins avantageuse et en ne renouvelant pas les contrats de certains de ses clients. Cette attitude illustre le fait que certains fournisseurs ont tendance à renoncer au marché bruxellois de l’énergie.

Pour finir, la nouvelle ordonnance, adoptée par le Parlement bruxellois en 2018, nous a confié des missions complémentaires. Ce texte précise notamment que le règlement technique, les licences de fourniture et certaines règles sur la protection des clients sont désormais des prérogatives qui dépendent directement de BRUGEL. Cette nouvelle ordonnance renforce de fait notre compétence en matière d’énergie.

Le développement de la plateforme ATRIAS a de nouveau marqué le pas en 2018. Quelles répercussions a ce manquement sur le secteur de l’énergie bruxellois ?

Durant cet exercice, ATRIAS, la plateforme d’échanges d’informations entre les acteurs du secteur de l’énergie, a de nouveau éprouvé des difficultés à lancer son application informatique. Aujourd’hui, les acteurs du secteur se montrent préoccupés, car ils doutent de la pérennité et de l’efficacité du modèle tel que défini lors de sa conception. Toute une série de solutions comme le smart metering (les compteurs intelligents, voire dans les autre Régions les compteurs prépayés) dépend en effet de cette plateforme. Et certains plaident désormais pour une solution moins ambitieuse mais véritablement opérationnelle. En Région de Bruxelles-Capitale, la fin de la compensation a été étroitement liée à ce manquement. En février 2019, on tablait encore sur une hypothétique mise en place courant 2020.

Pour pallier cette défection, Elia entend désormais développer une solution informatique pour les clients qui souhaitent offrir leur flexibilité. Si le gestionnaire du réseau de transport (GRT) devait reprendre ce leadership, les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) risqueraient de perdre une partie de leurs segments d’activités. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les autorités régionales qui, par l’entremise des régulateurs régionaux, exercent principalement un contrôle sur ces GRD.

Comment s’est porté le marché des énergies renouvelables en 2018 ?

La période de remise des certificats verts (CV) en mars 2018 a été très tendue, avec une envolée de prix encore jamais atteinte. Certains CV ont atteint les 110 ou 120 euros, soit un prix plus élevé que l’amende infligée en cas de manquement. Nous avons également assisté à une hausse de 50 % des installations de panneaux photovoltaïques en Région de Bruxelles-Capitale, ce qui devrait permettre de diminuer à l’avenir les tensions sur le marché des CV.

Le marché de l’énergie est-il à nouveau parvenu à maintenir une certaine stabilité des prix en 2018 ?

Globalement, le prix de l’énergie n’a pas sensiblement augmenté en Région de Bruxelles-Capitale, notamment si l’on compare cette situation avec ce qui s’est passé dans les autres régions. Cette hausse modérée a surtout concerné la partie « commodity », soit le prix de l’électron proposé par les fournisseurs. Les prix du transport et de la distribution sont restés relativement stables.

Les consommateurs vulnérables ont-ils été impactés par ces hausses de prix ?

Si l’on considère l’augmentation des prix de l’énergie, on aurait en effet pu s’attendre à ce que les clients vulnérables soient plus lourdement impactés. Les différents indicateurs dont nous disposons (nombre de limiteurs de puissance installés, de clients protégés ou de coupures de compteurs) sont restés relativement stables. Cette stabilité est paradoxale car les acteurs sociaux font état d’une précarité énergétique qui va croissante. Nous suspectons d’ailleurs que la diminution des offres en RBC annonce une diminution du nombre de fournisseurs dans un avenir proche. Cette réduction risque de provoquer une augmentation des prix en 2019 et des difficultés supplémentaires pour certains clients qui pourraient ne plus trouver de fournisseur.

Pourquoi risqueraient-ils de ne plus trouver de fournisseur ?

En Région de Bruxelles-Capitale, les fournisseurs ont l’obligation de faire offre, sauf si le client a déjà une dette non apurée chez eux. Un client qui aurait contracté des dettes chez plusieurs fournisseurs risque dès lors de ne plus pouvoir recevoir d’offres. Dans ce cas, le système de protection bruxellois ne propose pas de solution. On peut alors supposer que certains clients feront preuve d’imagination pour trouver des solutions alternatives.

Quid de la transition énergétique en Région de Bruxelles-Capitale ?

La transition énergétique englobe plusieurs aspects et concerne tant l’efficacité énergétique que la promotion des énergies renouvelables ou combinées comme la cogénération. En Région de Bruxelles-Capitale, l’efficacité énergétique est un concept qui fait recette puisqu’on assiste, depuis 2008, à une diminution constante de la consommation. En matière d’énergies renouvelables, on constate également qu’un certain type de client - notamment les clients ayant de grosses consommations et disposant de moyens de production alternatifs - fait des efforts importants pour développer des services de flexibilité. Mais comme Bruxelles est une agglomération, il faut reconnaître que ce type de transition est moins rapide que dans les autres régions.

La flexibilité énergétique est-elle en passe de se développer en Région de Bruxelles-Capitale ?

Petit à petit, le marché met en place un certain nombre de règles qui conviennent plutôt à de gros producteurs-consommateurs disposant d’une certaine flexibilité. Ces règles sont destinées à fixer les jalons du futur et vont, à brève échéance, percoler vers les plus petits consommateurs. La tendance est inéluctable. D’autant que sur le territoire belge, la part des énergies intermittentes (photovoltaïque et éolien) est de plus en plus importante, avec un pic de 50 % de production-consommation observé durant quelques heures en 2018. Pour maîtriser cette nouvelle donne, les acteurs du secteur doivent désormais être en mesure de s’adapter instantanément à de telles puissances. De nouvelles règles techniques, économiques et légales doivent dès lors être progressivement instaurées. Comment a évolué la problématique de la conversion du réseau du gaz en 2018 ?

Le Gouvernement bruxellois a organisé la conversion suivant un planning réparti sur 4 ou 5 ans, sur la base de propositions émises par SIBELGA et SYNERGRID. Il a confié la gestion opérationnelle de cette conversion à SIBELGA et à Bruxelles Environnement, et dans ce contexte, BRUGEL a plutôt un rôle d’observateur.

Quelle a été votre stratégie opérationnelle en 2018 vis-à-vis des acteurs du secteur ?

Tout comme en 2017, BRUGEL a privilégié le dialogue et renforcé sa présence sur les plateformes d’échanges et de discussions. Dans cet esprit, nous avons initié une série d’études et de consultations publiques pour débattre de différentes matières. En 2018, nous avons également lancé notre plateforme d’open data destinée au public. Les ateliers que nous avons initiés avec de nombreux acteurs du secteur sont également en phase avec cette volonté de dialogue.

Nous avons cependant constaté que les retours escomptés n’étaient pas toujours au rendez-vous. Lorsque nous avons mis la méthodologie tarifaire à consultation, nous avons été surpris de ne recevoir que deux réactions de la part du secteur. Nous en avons déduit que la multiplication des consultations à travers les différents niveaux de pouvoir jouait en défaveur de ce mode opératoire. En parallèle, les fournisseurs qui ne sont plus trop actifs en Région de Bruxelles-Capitale se mobilisaient moins pour des procédures officielles qui pouvaient s’avérer contraignantes. Forts de ce constat, nous allons opter pour un dialogue plus direct et informel.

La nouvelle mission de contrôle du prix de l’eau est devenue pleinement opérationnelle en 2018. Quelles conclusions tirez-vous pour cet exercice ?

Comme cette nouvelle mission est avant tout une mission légale, nous sommes entrés progressivement dans le débat. Nous considérons que 2018 est une année de transition qui nous a permis de prendre contact avec les différents acteurs. Car dans les faits, la nouvelle tarification ne prendra effet qu’en 2021.

En 2018, nous avons initié de très nombreux ateliers avec un secteur qui nous a accueilli avec beaucoup de bonne volonté. Nous avons pu bénéficier de toutes les explications et visites de sites qui nous semblaient nécessaires. Au cours de cette année très enrichissante, nos équipes ont initié de vastes chantiers, notamment pour redéfinir les conditions générales de vente de VIVAQUA. Elles ont également analysé le périmètre d’activité des différents acteurs afin de délimiter ce qui entrait dans le domaine de l’activité régulée ou non. À l’issue de cette année, nos équipes ont pu ainsi disposer d’une cartographie très complète de l’activité des deux grands acteurs que sont la SBGE et VIVAQUA. En 2019, nous mettrons en place des ateliers pour concrétiser les nouvelles méthodologies tarifaires. C’est de ces méthodologies que dépendront les nouveaux tarifs de l’eau en RBC fin 2020.

Quelle vision stratégique avez-vous mise en place pour votre contrôle de gestion ?

Les années précédentes, BRUGEL avait initié une vaste analyse top down comprenant la vision générale des activités et la mise en place d’indicateurs de performance. En 2018, nous avons été jusqu’au bout de l’exercice. Nous disposons désormais d’une vision, d’objectifs stratégiques et opérationnels, de KPI (indicateurs de performance), etc. Et nous sommes désormais en mesure de confronter notre mode de fonctionnement quotidien aux objectifs que nous nous sommes fixés. Les premiers résultats ont été à ce titre assez révélateurs. Ils nous ont notamment démontré que nos premières récoltes de données souffraient d’erreurs méthodologiques. Cette photographie nous a également indiqué que certains de nos indicateurs n’étaient pas satisfaisants et que le traitement de quelques dossiers souffrait d’une certaine inertie. Comme nous recevons progressivement, mais constamment, de nouvelles missions, nous sommes conscients que nous ne sommes pas encore parvenus à notre phase de consolidation. Et que nous atteindrons probablement notre vitesse de croisière vers 2020-2021, à moins que nous ne recevions de nouvelles missions, ce qui n’est pas exclu.

Quid du Conseil d’Administration de BRUGEL ?

En 2018, la majorité du conseil d’administration de BRUGEL a été renouvelée. Les mandats de quatre membres sur cinq sont en effet venus à expiration au cours de cet exercice ou du précédent. Le gouvernement a lancé un appel à candidature afin de désigner, sur base du rapport d’un jury indépendant, trois nouveaux administrateurs ainsi qu’un président début octobre 2018. Le président désigné par le Gouvernement a finalement été empêché et a renoncé à sa fonction.




Nous avons assisté à une hausse de 50 % des installations de panneaux photovoltaïques en Région de Bruxelles-Capitale. Ce qui devrait permettre de diminuer à l’avenir les tensions sur le marché des CV.

Pascal Misselyn





En 2018, BRUGEL s’est vue confier officiellement une nouvelle mission : le contrôle du prix de l‘eau. Nos services ont ainsi pu s’investir pleinement dans ces dossiers en rencontrant de manière officielle les acteurs de l’eau que sont VIVAQUA et la SBGE.

Pascal Misselyn