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1. Compétence tarifaire

Interview de Jérémie Van Den Abeele


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En vertu de l’ordonnance bruxelloise du 8 mai 2014, BRUGEL est devenue compétente en matière de tarif de distribution de l’électricité et du gaz en Région de Bruxelles-Capitale le 1er juillet 2014. En 2017, le gouvernement bruxellois a confié à BRUGEL de nouvelles missions concernant le secteur de l'eau, dont une relative au contrôle de la tarification de l’eau. Ces dernières missions sont devenues opérationnelles en 2018.

ÉLECTRICITÉ ET GAZ



Contrôle des soldes tarifaires de SIBELGA

Tous les ans, BRUGEL procède à l’exercice du contrôle des comptes régulatoires du gestionnaire de réseau.

« Cet exercice a notamment consisté à vérifier les comptes régulatoires du GRD et à comparer ces montants par rapport aux prévisions qui ont servi à la définition des tarifs en vigueur », explique Jérémie Van Den Abeele. « L’analyse des écarts entre d’une part le montant budgété et le montant réel des comptes et d’autre part les recettes prévisionnelles et les recettes réellement enregistrées permettent de déterminer les soldes tarifaires. »

Ce troisième exercice de la période a permis de résorber encore un peu plus l’asymétrie d’information entre le régulateur et le gestionnaire de réseau. En effet, ce contrôle a permis à BRUGEL d’interroger SIBELGA sur de nombreuses thématiques. Le régulateur bruxellois a ainsi eu l’occasion de poser une centaine de questions écrites auxquelles SIBELGA a répondu de façon relativement détaillée. Lors de ce contrôle, BRUGEL a également décidé de rejeter certains coûts (de l’ordre de 70 000 euros) considérés comme déraisonnables par BRUGEL (amendes administratives, indemnités de coupures, etc.).

En 2017 s'appliquaient également pour la première fois les modifications apportées à la méthodologie en 2016 : fixation d’un seuil minimum du taux d’intérêt sans risque dans la détermination de la marge équitable et augmentation du plafond de la régulation incitative sur les coûts gérables.

Comme lors des exercices précédents, le contrôle et l’approbation des comptes 2017 effectués en 2018 ont permis de constater l’existence de soldes régulatoires relativement importants.

« Cette manne financière s’est élevée à 112 millions d'euros en électricité et à 90 millions d'euros en gaz », souligne Jérémie Van Den Abeele. « En plus du lissage des tarifs et à côté d’une réaffectation de ces soldes à certains projets spécifiques tels que la conversion gaz pauvre / gaz riche ou aux projets liés à Atrias, BRUGEL a proposé dans les nouvelles méthodologies qu’une partie de ces soldes soit également destinée à financer des projets innovants liés à la transition énergétique tels que l’autoconsommation collective. »

Adaptation des tarifs gaz et électricité

Les tarifs du gaz et de l’électricité en vigueur en Région de Bruxelles-Capitale ont été fixés pour une période allant de 2015 à 2019.« En 2018, comme chaque année, ces tarifs ont été soumis à quelques petites adaptations suite aux modifications apportées au niveau de la refacturation des coûts de transport, des obligations de service public et de la surcharge liée à l’impôt des sociétés », explique Jérémie Van Den Abeele.« Pour cette année encore, nous avons constaté une certaine stabilité des tarifs. »

Consultation publique sur les tarifs capacitaires

En 2018, BRUGEL a réalisé une étude et lancé une consultation publique concernant la mise en place d’une composante capacitaire dans les tarifs de distribution d’électricité. Dans le cadre de la préparation de la méthodologie tarifaire 2020-2024, BRUGEL souhaitait disposer de suffisamment d’éléments pour motiver et prendre les dispositions nécessaires en matière de tarification et en particulier de structure tarifaire.

« L’objectif de cette étude était clairement d’étudier l’impact de la mise en place d’un tarif capacitaire en Région bruxelloise, tant d’un point de vue économique que social et environnemental », précise Jérémie Van Den Abeele.« Cette étude a également permis d’apprécier le rôle que pourraient jouer les tarifs de distribution basse tension dans le cadre de la transition énergétique ainsi que d’évaluer les implications dans cette transition des acteurs du marché bruxellois tels que le gestionnaire de réseau, les fournisseurs et les consommateurs bruxellois. »

Outre l’introduction d’une composante capacitaire, l’étude a montré comment les tarifs pouvaient intégrer au mieux les productions photovoltaïques et inciter l’utilisateur final à modifier son comportement. Le déplacement de la charge de consommation vers des périodes où le réseau est le moins saturé pourrait être favorisé par l’abandon du système actuel (jour/nuit) par la mise en place de plages horaires distinctes (4 maximum) en fonction de la période de l’année (chaude/froide).

Si des recommandations formulées dans cette étude ont été retranscrites dans la méthodologie 2020-2024 (comme la mise en place d'un tarif capacitaire), toutes n’étaient pas techniquement applicables.« En effet, beaucoup de contraintes légales ou techniques doivent encore être levées. D’autant que la mise en place optimale d’un nouveau régime tarifaire impose l’implémentation d’un système de comptage et de gestion des données adapté via les compteurs intelligents et le développement de la plateforme Atrias, ce qui n’est pas une réalité pour l’instant », explique Jérémie Van Den Abeele.

Méthodologies tarifaires 2020-2024

En 2018, la mise en œuvre des méthodologies tarifaires 2020-2024 a mobilisé beaucoup de ressources au sein de BRUGEL. En effet, ces documents, qui fixent un ensemble de règles et de principes directeurs, permettront au gestionnaire des réseaux bruxellois d’établir ses propositions tarifaires pour les cinq prochaines années.

Bien que les grands principes fixés dans les méthodologies précédentes soient globalement maintenus et perfectionnés, des changements importants ont été opérés.

Pour le gestionnaire des réseaux

BRUGEL a confirmé la mise en place d’un mécanisme de régulation incitative (voir ci-contre) pour les objectifs.« Le but est de pousser le gestionnaire des réseaux à améliorer sa productivité. Il pourra ainsi obtenir un bonus basé sur des indicateurs de performance visant à l’amélioration de la qualité de service », complète Jérémie Van Den Abeele.

À côté de ce mécanisme, BRUGEL a également redéfini la nature des coûts de l’ensemble des projets à caractère informatique comme coûts gérables1, et ce, dans le but de responsabiliser SIBELGA dans la gestion de ses projets IT.« Pour disposer d’une vision claire de ces coûts, BRUGEL a également instauré la mise en place d’une feuille de route IT qui permettra de disposer d’un meilleur suivi au niveau des nombreux projets à caractère informatique », explique Jérémie Van Den Abeele.« Cette procédure permettra d’interroger le GRD sur ses motivations et l’intérêt que présente le projet pour la société. Pour BRUGEL, la mise en place d’une telle procédure est essentielle : elle évitera notamment que les dérapages budgétaires ne soient couverts par la facture payée par le consommateur. »

Les nouvelles méthodologies prévoient également la pérennisation de la méthode de calcul permettant d’une part de disposer des moyens financiers garantissant le financement des investissements nécessaires et d’autre part d’octroyer au gestionnaire des réseaux et à ses actionnaires une rémunération suffisante ainsi que la fixation d’un cadre permettant de soutenir certains projets innovants en lien avec la transition énergétique tels que des projets liés à l’autoconsommation collective.

Pour les utilisateurs finaux

BRUGEL a décidé d’implémenter pour tous les clients (résidentiels et professionnels) alimentés en basse tension une composante capacitaire en remplacement d’une partie du tarif existant. Ce qui signifie qu’une partie des tarifs de distribution sera facturée non plus sur la base des kilowattheures consommés mais en partie sur la base de la puissance de raccordement mise à disposition de l’utilisateur final. Pour la période 2020-2024, cette partie capacitaire couvrira 20 % du tarif pour l’utilisation et la gestion du réseau de distribution basse tension alors que les autres composantes (excepté le comptage qui reste fixe) resteront proportionnelles.« L’introduction d’un terme capacitaire dans la structure tarifaire, sur base donc de la puissance mise à disposition, permet une meilleure réflectivité des coûts. De plus, celle-ci permet de préparer à la transition énergétique », précise Jérémie Van Den Abeele.

À côté de cette mesure, la méthodologie prévoit également la suppression du prix plafond ou du facteur de dégressivité pour les utilisateurs du réseau moyenne tension. Certaines de ces mesures entreront en vigueur dès 2020 tandis que d’autres, pouvant avoir un impact important chez certains utilisateurs du réseau, seront introduites de manière plus progressive (jusqu’en 2029) afin d’éviter une augmentation abrupte des tarifs. BRUGEL a également demandé au gestionnaire des réseaux de fournir une information personnalisée aux clients les plus impactés par ces mesures.

« En comparaison aux exercices précédents, cette vision stratégique permet de porter la réflexion sur deux périodes tarifaires sans s’arrêter à l’horizon 2024. Les augmentations annoncées sur une échéance à 10 ans vont ainsi permettre aux clients d’adapter leur mode de consommation et, le cas échéant, de prendre les dispositions qui s’imposent », explique Jérémie Van Den Abeele.

Trois principes

Lors de la rédaction des méthodologies tarifaires, BRUGEL s’est attachée au respect de trois principes : simplification des grilles tarifaires actuelles, suppression des tarifs historiques qui n’ont plus lieu d’être et incitation des consommateurs du réseau à mieux l’utiliser.

« La rédaction des méthodologies tarifaires est un moment clé pour un régulateur, car celles-ci permettent de fixer les tarifs pour les cinq prochaines années et de définir la méthode de contrôle des comptes du GRD. Le but final étant bien sûr d’avoir des tarifs de distribution équitables et justes », précise Jérémie Van Den Abeele.

Les délais pour la mise en place de ces méthodologies ont été respectés tant du côté de SIBELGA que de BRUGEL. Conformément à l’accord conclu en 2017, les documents finaux ont été soumis pour concertation à SIBELGA en novembre 2018. Fin 2019, les tarifs devraient être validés sur base de ces méthodologies pour la période 2020-2024.

Fin de la compensation tarifaire

BRUGEL a réaffirmé sa décision de mettre fin au mécanisme de compensation au niveau des tarifs de distribution d’électricité. La méthodologie tarifaire précise que les tarifs de distribution s’appliqueront à l’avenir sur l’ensemble de la quantité d’énergie réellement prélevée sur le réseau sans en déduire la quantité injectée, et ce, pour des raisons d’équité tarifaire. « Cette mesure a pour but de responsabiliser le prosumer2 et à encourager l’autoconsommation », précise Jérémie Van Den Abeele. « Un jugement de la Cour d’appel de Bruxelles (lire également en page 33) rendu en février 2018 renforce d’ailleurs notre position. »

Pour rappel, le principe de la compensation tarifaire consiste à déduire annuellement toute l’électricité injectée sur le réseau de distribution régional - parce que produite par une installation de production d’électricité verte (inférieure ou égale à 5kVA) à un moment où son propriétaire ne la consomme pas - de la quantité d’électricité prélevée du réseau.

EAU



Coût vérité de l’eau

En 2018, BRUGEL a procédé pour la première fois à cet exercice de détermination du coût vérité de l’eau. Celui-ci est établi en prenant compte les coûts réels de l’année précédente des différentes activités du secteur telles que la production, la distribution, la collecte, l’épuration, etc. BRUGEL a, pour ce faire, consolidé les données récoltées auprès des différents acteurs : VIVAQUA, SBGE et AQUIRIS.

« Cet exercice consiste simplement à regarder les coûts de l’année précédente. Le coût vérité est donc sans lien direct avec les prix appliqués », explique Jérémie Van Den Abeele. « BRUGEL considère dès lors qu’il n’a pas de véritable valeur ajoutée d’un point de vue stratégique. À l’avenir, les méthodologies permettront de fixer des tarifs sur base d’une projection des coûts. Par ailleurs, en vue d’entamer une réflexion sur ces méthodologies futures, nous avons souhaité y adjoindre des indicateurs socio-économiques. BRUGEL a malheureusement dû constater que ces indicateurs n’étaient pas encore disponibles. »

Le coût vérité tel qu'il a été établi en 2018 a permis à BRUGEL d'observer que les recettes générées par le secteur couvraient uniquement les charges d’exploitation sans tenir compte des besoins futurs d’investissement.

« Ce constat, connu mais non moins préoccupant, indique que le prix actuel de l’eau ne permet pas de financer sereinement les investissements nécessaires à la pérennisation de l’activité », souligne-t-il encore. « Et sans augmentation des tarifs ou de nouveaux subsides, l’activité va s’avérer difficilement viable sur le long terme. »

Méthodologies tarifaires

Selon BRUGEL, le secteur de l’eau va vivre un véritable changement de paradigme en adoptant le principe d’une méthodologie tarifaire étendue sur une période de six ans (2021-2027). Les opérateurs devront projeter leurs coûts sur toute une période et seront incités à établir à l’avenir une stratégie opérationnelle leur permettant de diminuer ou maîtriser certains postes.

« En 2018, BRUGEL a tenu à poser les premiers jalons de ces méthodologies tarifaires en entamant un dialogue constructif avec tous les acteurs du secteur », explique Jérémie Van Den Abeele. « Sur cette base, et en concertation avec VIVAQUA et la SBGE, BRUGEL établira des projets de méthodologies tarifaires d’ici décembre 2019. »

Le régulateur a également interrogé un panel d’associations de consommateurs et d’acteurs sociaux pour connaître leurs attentes vis-à-vis des nouvelles méthodologies. BRUGEL s’est alors rendue compte que certaines demandes, telles que la mise en place d’un tarif social de l’eau par exemple, dépassent toutefois le cadre des missions confiées au régulateur et nécessiteraient la mise en place d’un dispositif législatif adapté.

Transversalité de la mission

Pour disposer d’une image fiable du fonctionnement du secteur de l’eau bruxellois, le gouvernement a demandé à BRUGEL de réaliser un audit complet du marché en 2018. Cette analyse a permis d’identifier un certain nombre de faiblesses et de points d’attention qui devront être pris en compte dans la rédaction des méthodologies.

Les conditions générales de vente relatives au secteur de l’eau font également l’objet d’une refonte importante. BRUGEL intègrera ces différentes modifications dans la détermination des tarifs non périodiques (ouverture d’un compteur, opération de branchement et de raccordement, etc.).

Contrat de gestion de la SBGE

En 2018, BRUGEL a été sollicitée pour remettre un avis sur le contrat de gestion de la SBGE qui porte sur la période 2018-2022. À l’issue de cette analyse, le régulateur a émis un avis dont la teneur a été prise en compte et a donné lieu à certaines modifications. Selon BRUGEL, le contrat de gestion qui s’inscrit dans la période 2018-2022 se devait de tenir compte de la nouvelle mission tarifaire attribuée à BRUGEL et de l’entrée en vigueur de la méthodologie à l’horizon 2021.

Augmentation tarifaire inévitable mais progressive

« Compte tenu de l’évolution du secteur et des investissements nécessaires pour maintenir le réseau en bon état et pérenniser l’activité, BRUGEL estime qu’une augmentation du prix de l’eau est inévitable dans les années à venir », conclut Jérémie Van Den Abeele. « L’eau doit rester un bien accessible pour tous, le régulateur va donc s’attacher à ce que cette augmentation des tarifs soit maîtrisée et progressive. »

1 Les coûts gérables sont les coûts sur lesquels le gestionnaire des réseaux exerce un contrôle direct.
2 Prosumer est un mot valise qui désigne un consommateur producteur. C’est donc un utilisateur du réseau de distribution d’électricité disposant d’un point d’accès pour le prélèvement sur le réseau basse tension, et ayant une unité de production décentralisée lui permettant d’injecter de l’électricité sur le réseau de distribution d’électricité.




Pour une tarification de l’eau et de l’énergie juste et équitable !

Jérémie Van Den Abeele,

responsable des aspects tarifaires chez BRUGEL




BRUGEL considère que les tarifs - tant pour le gaz que pour l'électricité - jouent un rôle essentiel dans la transition énergétique. C’est pourquoi il est important de réaffecter une partie des soldes à des projets qui soutiennent l’innovation.

Mécanismes de régulation incitative

Le système régulatoire mis en place en Région de Bruxelles-Capitale est de type Cost +. L’ensemble des coûts du gestionnaire des réseaux est ainsi couvert par les tarifs de distribution. Pour pousser le gestionnaire des réseaux à améliorer sa productivité et à générer des gains opérationnels, BRUGEL a proposé des méthodologies qui prévoient la mise en place d’un système de régulation incitative sur les coûts gérables. Cela consiste à prendre en compte les écarts constatés entre le budget prévu et la réalité tarifaire, et à faire bénéficier le gestionnaire des réseaux d’une partie de ces gains.

L’auto-consommation collective

L’autoconsommation collective repose sur le principe du partage de l’électricité produite par une ou plusieurs installations de production renouvelable locale entre un ou plusieurs consommateurs proches physiquement. Dans le cadre de projets innovants, BRUGEL pourra établir des dispositions tarifaires spécifiques.

Coût vérité
de l’eau

BRUGEL a observé que les recettes générées par le secteur couvraient uniquement les charges d’exploitation sans tenir compte des besoins futurs d’investissement.

Augmentation tarifaire

L’eau doit rester un bien accessible pour tous, le régulateur va donc s’attacher à ce que cette augmentation des tarifs soit maîtrisée et progressive.